L’autre jour, fatiguée, au boulot, je chantonnais cette comptine enfantine et je me suis dit : « mais qu’est-ce que je raconte, en fait ? Est-ce que ça a vraiment un sens, bien caché ; est-ce que ça en a eu un, il y a longtemps ; ou bien un jour, quelqu’un d’aussi timbré que moi qui invente de moi et se met à crier « ZIBIDIZOUIK !!! » a crié cette phrase reprise depuis par des milliers d’enfants ? »
Évidemment, il y a un sens à cette petite comptine, même plusieurs, à moins qu’à force de chercher la petite bête, par esprit de rationalisation, on essaye de trouver des explications là où un fou essayait juste de s’amuser (je peux toujours rêver!).
Bref, pour mémoire, voici la comptine :
Am, stram, gram,
Pic et pic et colégram,
Bour et bour et ratatam,
Am, stram, gram.
Il s’agit en réalité d’une formule d’élimination, si, si, rappelez-vous, lorsque nous étions tous en cercle dans la cour de récré et que l’un de nous chantait en pointant tour et tour ses petits camarades pour désigner l’un d’entre eux. Et si le sort ne désignait pas celui qu’il voulait, il rajoutait précipitamment :
Mais comme le Roi [et/ou la reine]
ne le veut/veulent pas,
ça (ne) sera (pas) toi !
Donc cette mignonne chansonnette désigne la personne dont on veut se débarrasser, sympa…
« Ams tram gram » est assez facile à deviner : « un, deux, trois » en vieil allemand, on retrouve cette idée dans d’autres comptines : « un, deux, trois ; nous irons au bois » etc.
Traduite en français, la chanson signifierait :
Un, deux, trois
vole, vole, hanneton,
cours, cours, cavalier
un, deux, trois
ça reste assez mystérieux, je le reconnais volontiers, je ne vois toujours pas le rapport entre le hanneton et le cavalier…
Néanmoins, une autre explication est également proposée, puisque cette chanson pourrait être une très ancienne incantation païenne et chamanique, utilisée lors des veillées funèbres des Francs. Le but serait alors de psalmodier des mots simples pour appeler à soit l’esprit du Loup :
Emstrang Gram
Bigà bigà ic calle Gram
Bure bure ic raede tan
Emstrang Gram
Mos Gram !
Ce qui signifierait alors :
Toujours fort, Grain
Viens donc, viens, je t’appelle, Grain
Surviens car je le demande à ma baguette des sorts,
(ou : surviens car je mande au brin > car le brin (tan) est la baguette des sorts)
Toujours fort, Grain
À manger, Grain !
Grain est en effet le nom du Loup Céleste et je pense qu’il y a un rapport entre le côté nourricier et meurtrier de cette créature liée à la lune (pleine, elle donne, noire, elle prend). On retrouve également ce son (ce sème pour les adeptes de grammaire) dans le nom d’Ysengrin, le loup, adversaire de Renart dans le roman de Renart. En effet, il s’agirait peut-être d’une allitération des termes « In sin grin » qui reprendrait le premier vers de notre comptine, mais dans la version provençale :
In sin Grin
Pique pique colegrin
Bourre bourre lacagrin
Mouscrin
En effet, il est assez intéressant de noter que cette comptine est très connue et traduite dans une multitude de langue et dialecte.
Cette comptine qui sert désormais à désigner une personne, pour un jeu, par exemple, était à l’origine une incantation au loup, ce même loup qui terrorise les enfants dans les contes, qui se cache dans la forêt et qui mange le petit chaperon rouge.
sources :
ça c’est un article bien cool! Je me l’étais toujours demandé aussi, et je pensais aussi à un lien avec « eins, zwei, drei », sans vraiment pouvoir l’expliquer, vue l’éloignement de l’orthographe!
J’aimeJ’aime
Ah ben j’ai encore appris quelque chose d’intéressant aujourd’hui =D Je me doutais bien que cela devait avoir une origine « magique », mais pas que c’était un appel au Loup. Tu m’as donné d’en savoir un peu plus sur ce Grain d’ailleurs =D
J’aimeJ’aime
Ping : Articles phares | Girl kissed by fire
Ping : Abracadabra | Girl kissed by fire
Ping : Sommaire | Girl kissed by fire